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Francophonie en péril : un édifice vacillant sous les coups de l’Histoire

Francophonie en péril : un édifice vacillant sous les coups de l’Histoire

À l’approche de la Journée internationale de la Francophonie, l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) essuie une tempête aux résonances telluriques : le Niger, le Burkina Faso et le Mali claquent la porte, précipitant une onde de choc aux implications diplomatiques majeures. Ce séisme institutionnel dépasse la simple sphère linguistique ; il révèle une fracture politique béante entre l’Afrique francophone et une organisation qui peine à incarner autre chose que le lointain écho d’une influence révolue.

Une rupture aux accents géopolitiques

Le retrait de ces trois États sahéliens n’est pas un épiphénomène conjoncturel ; il s’inscrit dans une dynamique de rupture assumée avec l’héritage français. Dans un contexte où le ressentiment anti-français atteint son acmé, notamment au Sahel, ces régimes militaires, propulsés au pouvoir par des putschs successifs, se posent en chantres d’une souveraineté absolue. Leur départ de l’OIF s’apparente ainsi moins à une déclaration linguistique qu’à un geste hautement politique : une émancipation proclamée d’un ordre perçu comme résiduellement néocolonial, où la langue de Molière demeure entachée du spectre de la tutelle de Paris.

Mais la crise ne saurait se résumer à un simple rejet de la France. Elle découle aussi d’un malaise structurel au sein même de l’OIF. Depuis l’accession de Louise Mushikiwabo à son secrétariat général en 2019, l’organisation évolue sous la houlette d’une personnalité issue du Rwanda, pays qui, ironie du sort, a progressivement relégué le français au second plan au profit de l’anglais. Cette dissonance n’a jamais cessé de nourrir les critiques, mais elle prend désormais une tournure explosive, certains, à l’instar de Jean-Luc Mélenchon, accusant l’OIF d’être dirigée par une représentante d’un régime impliqué dans l’instabilité persistante à l’Est de la RDC.

L’échec d’une diplomatie vacillante

Si la France se retrouve au cœur de cette tempête, c’est en grande partie en raison des maladresses stratégiques de l’ère Macron. Oscillant entre condescendance et improvisation, la politique africaine du président français a engendré un désamour profond, précipitant l’expulsion des forces françaises du Sahel et ouvrant un boulevard aux influences concurrentes, notamment russes. Dès lors, comment s’étonner que le maintien dans l’OIF soit devenu politiquement intenable pour ces régimes, soucieux de briser les derniers liens institutionnels les rattachant à l’ancienne puissance coloniale ?

Mais la désaffection ne s’arrête pas aux seules capitales sahéliennes. L’incapacité de Paris à se positionner fermement sur la crise sécuritaire en RDC a accentué la défiance. Lors du dernier sommet à Paris, l’indifférence glaciale d’Emmanuel Macron face aux exactions du M23 et au rôle du Rwanda a été perçue comme une véritable avanie par Kinshasa. L’attitude de Félix Tshisekedi, quittant la réunion en signe de protestation, traduit un rejet viscéral de cette apathie diplomatique. Que la RDC choisisse de bouder le prochain sommet de l’OIF au Rwanda n’est pas anodin : c’est un signal retentissant, une mise en garde à peine voilée contre une organisation qui, aux yeux de Kinshasa, cautionne l’inacceptable par son silence.

L’OIF au bord du précipice

Le départ du Niger, du Burkina Faso et du Mali ne signe pas, en soi, la fin de la Francophonie en tant que projet linguistique et culturel. Toutefois, il porte un coup sévère à une organisation qui, depuis plusieurs années, peine à justifier sa raison d’être. Déjà critiquée pour son manque d’impact tangible, l’OIF se trouve désormais confrontée à une interrogation existentielle : peut-elle encore prétendre incarner un espace de solidarité entre les nations francophones, ou n’est-elle plus qu’une coquille vide, vestige institutionnel d’un monde en train de basculer ?

L’attitude de la RDC constitue à cet égard un baromètre crucial. Si Kinshasa, bastion francophone en Afrique centrale et deuxième pays le plus peuplé de la Francophonie, commence à prendre ses distances, la contagion pourrait s’étendre. D’autres États pourraient être tentés de suivre l’exemple, accélérant ainsi l’érosion d’une institution dont l’assise africaine a toujours été la colonne vertébrale.

Costa Pinto

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