Nouveau permis de conduire en RDC : une réforme incomplète ?
Le gouvernement congolais a accordé un moratoire jusqu’au 30 juin pour l’entrée en vigueur du nouveau permis de conduire biométrique. Présenté comme un gage de modernité et un levier pour améliorer la sécurité routière, ce document impose désormais des examens théoriques et pratiques à ses demandeurs. Pourtant, si cette réforme semble aller dans la bonne direction, elle ne s’attaque qu’à une partie du problème. Peut-on espérer une véritable amélioration de la sécurité routière en RDC en se limitant à un simple changement de permis ?
Des épaves sur les routes
Un conducteur mieux formé, c’est indéniablement un progrès. Mais dans quel état roulent les véhicules qu’il est censé maîtriser ? À quoi sert un permis biométrique si les routes sont envahies d’engins vétustes, aux freins usés, aux phares défectueux, aux pneus lisses et aux moteurs crachant une fumée noire ? La RDC dispose-t-elle d’un mécanisme rigoureux et systématique de contrôle technique ? À quelle fréquence est-il appliqué ? Par qui ? Tant que l’État fermera les yeux sur ces épaves ambulantes, la modernisation du permis ne sera qu’un cache-misère.
Répression aléatoire
Peut-on espérer une révolution des comportements routiers avec un simple changement de document ? Tant que l’éducation routière restera embryonnaire et que les infractions continueront d’être tolérées – ou pire, monnayées au coin d’une rue par des agents corrompus –, la circulation en RDC restera un champ de désordre permanent. Quel mécanisme le gouvernement met-il en place pour garantir une application stricte du Code de la route ? Les contrôles seront-ils renforcés ? Et surtout, seront-ils exempts d’arbitraire ?
Routes en lambeaux, infrastructures oubliées
Un conducteur bien formé, un véhicule en bon état… mais sur quelle route rouler ? Les nids-de-poule béants, l’absence de signalisation, les feux tricolores inexistants ou défectueux et l’éclairage public lacunaire transforment chaque trajet en une aventure périlleuse. L’État congolais a-t-il prévu un plan d’investissement sérieux pour la réhabilitation et l’entretien des infrastructures routières ? Car un permis biométrique, aussi sophistiqué soit-il, ne colmatera pas un bitume éventré.
Un coût prohibitif
Affiché à des tarifs pouvant grimper jusqu’à 114 USD pour certaines catégories, ce nouveau permis s’apparente à un luxe inaccessible pour de nombreux Congolais. Comment un conducteur de taxi-moto ou un petit transporteur, dont la subsistance dépend du moindre franc, pourra-t-il se permettre une telle dépense ? Cette réforme ne risque-t-elle pas d’exclure davantage de citoyens du marché du travail, au lieu de les encadrer ?
Une réforme aux ambitions limitées
L’intention du gouvernement de moderniser le permis de conduire est louable. Mais une réforme isolée, sans une politique globale de sécurité routière, ne sera qu’un écran de fumée. À défaut d’attaquer le problème dans son ensemble – contrôle technique rigoureux, répression des infractions, amélioration des infrastructures, accessibilité financière –, ce permis biométrique risque de n’être qu’un gadget technologique, sans effet concret sur la réduction des accidents.
Moderniser, oui. Mais pas en oubliant les fondamentaux.
Costa Pinto
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