La scène politique congolaise vient une fois de plus de surprendre l’opinion : l’honorable Christian Mwando, figure de proue du regroupement Ensemble pour la République et chef de file de l’opposition à l’Assemblée nationale, s’est présenté au Secrétariat permanent de l’Union sacrée de la Nation, accompagné d’une délégation, pour solliciter le soutien du Professeur André Mbata et de la majorité en faveur de leur candidate au poste de rapporteur adjoint du bureau de l’Assemblée nationale.
Une démarche qui soulève plus de questions qu’elle n’apporte de réponses.
Une opposition qui frappe à la porte de la majorité ?
Christian Mwando explique sa présence comme un acte républicain, une simple concertation institutionnelle :
« Nous sommes venus voir le secrétaire permanent, chef de la majorité parlementaire, pour présenter la candidature officielle de l’opposition et demander que le jeu démocratique se joue pleinement », a-t-il déclaré.
Sur le papier, rien de plus normal dans une démocratie parlementaire. Mais dans le fond, cette démarche résonne comme une discordance politique majeure. Comment comprendre qu’un parti qui rejette la légitimité du président Félix Tshisekedi, chef de la majorité, vienne solliciter l’appui de cette même majorité pour faire élire son candidat ?
N’est-ce pas là une contradiction flagrante, une forme de cohabitation déguisée entre adversaires politiques qui, en façade, se rejettent, mais en coulisse, se cherchent ?
Katumbi derrière ou Mwando en solo ?
Autre interrogation : cette démarche a-t-elle été inspirée ou approuvée par Moïse Katumbi, le président d’Ensemble pour la République, ou s’agit-il d’une initiative personnelle de Mwando et de sa délégation ?
La question n’est pas anodine. Si Katumbi, qui continue de contester ouvertement la réélection de Tshisekedi, a autorisé cette rencontre, cela signifierait qu’il joue une carte plus souple, peut-être en vue d’un rapprochement tactique avec le pouvoir.
Mais si Mwando a agi sans mandat clair, il risquerait d’être perçu comme un électron libre, voire un passeur politique entre deux camps irréconciliables.
Dans les deux cas, l’épisode expose une crise de cohérence au sein de l’opposition.
Entre stratégie et hypocrisie
L’analyse politique de cette visite pousse à se demander si l’on assiste à une nouvelle forme d’hypocrisie politique : celle de ceux qui refusent Tshisekedi le jour, mais qui viennent frapper à sa porte la nuit.
Car en réalité, le chef de la majorité parlementaire, le Professeur André Mbata, représente la vision et la continuité politique de Félix Tshisekedi. Le solliciter, c’est implicitement reconnaître son autorité et la légitimité du régime que l’on conteste dans les discours publics.
Autrement dit, venir demander un appui à l’Union sacrée, c’est aimer quelque chose et son contraire : critiquer le pouvoir tout en quémandant son soutien.
Mbata, diplomate mais lucide
Du côté de la majorité, le Professeur André Mbata a joué la carte de la diplomatie républicaine, saluant une opposition « organisée » et « républicaine », tout en rappelant la paternité démocratique du président Tshisekedi :
« La démocratie ne peut pas exister sans opposition. C’est notre chef, son excellence Félix Tshisekedi, qui a voulu une opposition organisée », a-t-il souligné.
Une réponse polie, mais lourde de sens : l’Union sacrée accueille, mais observe. Elle tend la main, mais sait pertinemment que cette main pourrait être mordue demain.
Un épisode révélateur
La visite de Christian Mwando chez André Mbata n’est donc pas un simple geste institutionnel.
C’est un symbole fort des paradoxes qui traversent la classe politique congolaise :
- Une opposition qui refuse le pouvoir mais s’appuie sur lui ;
- Une majorité qui tolère l’opposition tout en la démasquant ;
- Et des leaders qui oscillent entre convictions et calculs, au risque de perdre la confiance du peuple.
Conclusion : entre contradictions et réflexes tribaux
Au-delà de la contradiction politique, la démarche de Christian Mwando trahit aussi un réflexe tribaliste déconcertant.
En choisissant de désigner une Katangaise comme candidate au poste de rapporteur adjoint, alors qu’une autre originaire de la même région siège déjà au bureau,
il démontre une vision réductrice et déséquilibrée de la représentativité nationale.
Dans un pays qui cherche désespérément à sortir des clivages régionaux, alors qu’une autre originaire de la même région siège déjà au bureau, il aurait été plus juste et plus équilibré de laisser la place à Christelle Vuanga, élue du Kongo-Central, pour refléter la diversité du pays et donner une image d’unité.
En agissant autrement, Christian Mwando confirme que derrière les discours républicains et les sourires diplomatiques, se cachent encore les vieux démons du tribalisme et du calcul personnel.
Et au final, la vraie question demeure :
Comment prétendre défendre la démocratie quand on n’est pas capable d’incarner l’équilibre et la cohérence qu’elle exige ?
DIKA