Loin d’avoir apporté la stabilité promise, les juntes militaires du Mali, du Burkina Faso et du Niger ont au contraire prolongé l’instabilité et aggravé la crise sécuritaire. Isolement régional, montée en puissance des groupes djihadistes et absence de perspectives politiques : le Sahel s’enfonce dans une impasse dont les populations civiles paient le prix fort.
Présentés au départ comme des régimes provisoires, les pouvoirs militaires en place au Sahel se sont durablement installés. Au Mali, les scrutins ont été plusieurs fois reportés. Au Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré gouverne sans feuille de route claire pour un retour à l’ordre constitutionnel. Au Niger, la junte issue du coup d’État de 2023 s’est également enracinée. Ces régimes ont ainsi « normalisé l’état d’exception », éloignant toute perspective de gouvernance civile.
Un bilan sécuritaire accablant
La promesse centrale des putschistes ramener la sécurité reste lettre morte. Entre 2021 et 2024, plus de 3 000 attaques armées ont été recensées par des médias indépendants, principalement dans la zone frontalière entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Les groupes jihadistes, affiliés à AQMI et à Al-Qaïda, continuent d’étendre leur emprise, malgré de nouvelles alliances militaires. Les déplacements forcés dépassent désormais les cinq millions de personnes, alors que villages, marchés et écoles deviennent régulièrement des cibles.
Aux origines de l’Alliance des États du Sahel
Alors que l’Alliance des États du Sahel a vu le jour dans un contexte politique et sécuritaire très compliqué, marqué par l’instabilité croissante dans la région. Les pays membres du Sahel, confrontés à des défis sécuritaires importants liés au terrorisme et aux conflits armés, ont estimé que la coopération régionale était essentielle pour assurer leur stabilité. Cependant, l’absence de soutien concret de la part d’organismes comme la CEDEAO, notamment en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme, a conduit à une rupture progressive de confiance.
L’isolement politique et le basculement géopolitique
Le retrait du Groupe des États du Sahel de la CEDEAO en juillet 2025 a marqué un tournant. Isolés, Bamako, Ouagadougou et Niamey cherchent de nouveaux appuis auprès de la Russie, de la Turquie ou encore des pays du Golfe. Une recomposition qui se fait au détriment des partenaires traditionnels européens et illustre la perte d’influence française dans son ancien pré carré, sans pour autant apporter la stabilité promise.
Une économie fragilisée, un terrain propice aux trafics
À cet échec sécuritaire s’ajoute une faillite économique. L’absence de contrôle des frontières nourrit contrebande, narcotrafic et exploitation illégale des ressources. Un « terreau idéal pour la criminalité transnationale », soulignent plusieurs observateurs, qui affaiblit encore davantage des institutions fragilisées et compromet toute perspective de relance.
Des populations prises au piège
Le constat est sans appel : la militarisation du pouvoir n’a pas protégé les civils. Au contraire, l’« escalade mortelle » s’est intensifiée depuis l’arrivée des juntes, avec des millions de déplacés et une insécurité chronique qui menace désormais de s’étendre jusqu’au golfe de Guinée.
Edouard Tshiama Musasa/Diplômé en relations internationales
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