loader image

Impact News

LULUA-BASHILANGE, MAÎTRES TERRIENS DE TSHIKAPA

Depuis un certain temps, de nombreux écrits tantôt farfelus tantôt mensongers rédigés par des falsificateurs patentés, s’évertuent à déformer l’histoire du territoire de Tshikapa et de ses habitants. Ces écrits malintentionnés travestissent la vérité historique.

Et comme un vieil adage nous renseigne que qui ne dit mot, consent, il est de notre devoir de rétablir la vérité qui, elle seule, libère. Mais, avant tout, il faut savoir que Tshikapa est le nom d’une rivière qui prend sa source en Angola et qui se jette dans la rivière Kasaï au niveau de la ville de Tshikapa. C’est ce nom qui a été donné au secteur, puis au territoire et, enfin, à la ville. Situé dans la province du Kasaï Occidental, Tshikapa est devenu célèbre depuis la découverte du diamant de joaillerie dans la rivière Tshiuminyina à Mayi Munene en 1907.

Dans le cadre de cet article, il est important de parler du territoire de Tshikapa et de la ville de Tshikapa qui font l’objet de falsification éhontée de la part de certains originaires qui veulent souvent induire en erreur les autorités nationales. Le territoire de Tshikapa dont la superficie est de plus de 26 000 kilomètres carrés, est peuplé de plus de deux millions et demi d’habitants. Les Lulua-Bashilange, les Bakwa Nyambi, les Bena Mayi et d’autres lubaphones représentent, à eux seuls, 70% de la population de Tshikapa (territoire et ville confondus).

La cité de Tshikapa, devenue ville en 2003, a été tout d’abord le chef-lieu du secteur de Tshikapa avant de servir ensuite comme chef-lieu du territoire. Par contre, Kamonia est l’actuel chef-lieu du territoire de Tshikapa dont l’appellation reste inchangée. L’actuel territoire de Tshikapa est issu de la fusion de deux anciens territoires, à savoir le territoire des Bashila Lungu peuplé uniquement des Lulua-Bashilange, des Bakwa Nyambi et des Lulua-Divers, et le territoire des Batshiok, habités par les Batshiok, les Lunda et les Luena. Ces deux territoires – Bashi Lungu et Batshiok – sont, à leur tour, le résultat de la scission du territoire de Kalamba, fruit du démembrement du territoire de Lulua dont le chef-lieu fut Malandji, non loin de Mikalayi.

Avant sa dénomination actuelle, le territoire de Tshikapa s’appelait « Territoire Minier du Kasai ». Il est actuellement subdivisé en neuf secteurs, notamment les secteurs de Tshikapa et Kabambayi habités par les Lulua Bashilange et les Bena Mayi ; de Lunyeka, Kasadisadi et une partie de Kasai-Longatshimo occupés par les Lulua-Divers ; de Bakwa Nyambi peuplés des Bakwa Nyambi. Les secteurs de Lovua-Longatshimo, Lovua-Lushiko et une partie de Kasai-Longatshimo appartiennent aux Batshiok, Lunda et Luena. Par contre, les Pende ne sont présents que dans l’unique secteur des Bapende.

 

Les premiers habitants de Tshikapa

 

La question des aborigènes de Tshikapa revient régulièrement sur toutes les lèvres. Sans tenir compte des Pygmées et des Semi-Bantous qui y avaient vécu et qui avaient été chassés par les Bantous, il faut noter que certaines réponses recueillies frisent le ridicule. Or, il faut interroger les anciens et certains explorateurs étrangers pour être fixés une fois pour toutes. Par exemple, le missionnaire belge Van Zandicke, dans son livre « Page d’histoire du Kasaï », écrit ce qui suit : »Quand, en 1881, Pogge et Von Wissmann, sur ordre de l’Afrikanisch Geseltchaft Von Berlin, firent leur traversée fameuse de l’Afrique Centrale, de l’ouest à l’est, ils franchirent la rivière Kasaï dans la région des Baluba au 6me degré de latitude sud (environ 20 kms au nord de Tshikapa) ».

S’agissant de la rivière Kasaï, selon la source ci-haut citée, Von Wissmann l’appelle « Kasaï » ou « Saïre ». Toujours le même Van Zandicke dans un autre livre intitulé « Léopold II et l’exploitation du Kasaï », signale que «Pogge appelle la rivière Kasaï « Enzaddi » pour l’avoir entendu lors de son voyage dans le pays des Bena Lunda et Batshiok en 1875, ceux-ci connaissaient ce nom pour l’avoir entendu de la bouche des Bashilange (Bena Lulua) qui donnent le nom « Nsadi » au fleuve Kasayi ».

Quant à Jan Vansina, dans son livre «Migration dans la province du Kasai », il note ceci : »Avant 1700, il y avait déjà la présence des Baluba-Shankadi, Bakete, Bashilange et Bena Mayi au Kasai (Tshikapa) ».

Il faut aussi rappeler que Mwanangana Kalamba Mukenge s’était ainsi présenté lors de sa première rencontre avec les explorateurs Pogge et Von Wissmann : « Moi, Kalamba, Roi des Bashilange (Bena Lulua) ». La cour royale de Kalamba se trouvait dans les environs de Mutena dans le territoire de Tshikapa. Et quand Mwanangana Kalamba était empêché, il mandatait parfois le Chef Kabeya Lumbu des Lulua-Bashilange de Tshikapa pour le représenter à certaines occasions du fait qu’il avait une grande influence sur les autres Lulua du coin.

Actuellement, les Lulua Bashilange se retrouvent à cheval entre le territoire de Tshikapa dans les secteurs de Kabambayi et Tshikapa, et le territoire de Luebo dans le secteur de Luebo Kabambayi. Les principaux clans des Lulua-Bashilange de Tshikapa sont les suivants : Bena Kabeya, Bena Musenge, Bakwa Kandu, Bajila Mpiampia, Bena Tshinyangu, Bakwa Mukuna, Bakwa Ndayi, Bakwa Nkoyi, Bakwa Mfuya, Bakwa Tshipanga, Bena Ndayi, Bakwa Tshilomba, Bena Muamba, Bena Ngandu, Bena Mudianga et Bakwa Manshi.

Ces témoignages éloquents et irréfutables indiquent que les Lulua-Bashilange, les Bena Mayi, les Bakwa Nyambi, les Batshiok, les Lunda et les Luena sont considérés, à juste titre d’ailleurs, comme les premiers habitants de Tshikapa. Pour ce qui est de la présence des Pende à Tshikapa, on signale uniquement que seuls les chefs Kasanji, Ndeke, Katanga et Mukala Mushila ainsi que leurs hommes s’y trouvaient également. Tandis que les autres Pende qu’on trouve actuellement à Tshikapa sont originaires du secteur de Kilembe (territoire de Gungu) dans le Bandundu à l’époque où la province de Léopoldville englobait les actuelles provinces de Bandundu, du Bas-Congo et la ville de Kinshasa. Ils ont été rattachés, vers les années 1939-1940, à la province du Kasaï qui, en 1967, avait donné lieu aux provinces du Kasaï Occidental et du Kasaï Oriental, après la fusion de cinq provinces créées en août 1962 (Luluabourg,, Sud Kasaï, Unité Kasaïenne, Lomami et Sankuru).

 

L’espace Bakwa Nyambi à Tshikapa

 

Un récent débat fort intéressant oppose les Lulua-Bashilange à leurs frères Bakwa Nyambi quand il s’agit de déterminer les terres des uns et des autres à Tshikapa. Les Bakwa Nyambi, faut-il le signaler, ne se considèrent pas comme les Lulua. Mais, ils se donnent une filiation à Ilunga Mbidi, le glorieux grand ancêtre de tous les Baluba (Baluba du Katanga, Baluba du Kasai, Baluba Shankadi, Lulua, Bakete, Bakwa Luntu et Basonge). Dans le territoire de Tshikapa, les Bakwa Nyambi, répartis en trois clans (les Bena Mbiye, les Bena Kalenga et les Bakwa Muiyi), ont toujours habité le secteur des Bakwa Nyambi, confiné actuellement entre les Lulua-Divers (secteurs de Kasadisadi et Lunyeka), les Lulua-Bashilange (secteurs de Kabambayi et Tshikapa), la rivière Luebo et le territoire de Luebo.

Quant aux clans des Bakwa Lukodi, des Bakwa Kalume, des Bakwanga, des Bena Lumuna et des Bena Tshinkobo, ce sont des Bajila Kasanga du fait que leur ancêtre, Kasanga-ka-Mutombo des Bajila Kasanga, avait épousé Tshidimba, une femme des Bakwa Nyambi qui pratiquent le patriarcat. Chez les Bakwa Nyambi, on retrouve aussi des clans qui n’ont aucun lien avec eux et dont l’appartenance est douteuse. Il s’agit des Bakwa Tshiduwa, des Bakwa Bowa, des Bena Nsamba, des Bakwa Nkala et des Bena Kapila. Peut-on les considérer, toutefois, comme des assimilés aux Bakwa Nyambi pour la simple raison que leur origine est jusqu’à ce jour inconnue.

Il a fallu enfin attendre la fin de la guerre civile entre les Lulua et les Baluba du Kasai vers les années 1959-1960 pour voir quelques villages des Bakwa Nyambi s’installer dans le secteur de Tshikapa et dans la ville de Tshikapa, sur décision du tout premier gouverneur du Kasaï qui, lors de sa tournée officielle à Tshikapa en novembre 1960, avait autorisé le repeuplement des villages des Baluba du Kasaï dans le secteur de Tshikapa et dans la ville de Tshikapa, lesquels villages avaient été abandonnés lors de leur retour à Bakwanga – actuelle ville de Mbuji-Mayi – au Kasaï Oriental (voir l’aide-mémoire de l’ancien Ministre et Gouverneur de province Bruno Ndala Kasala du 14 avril 1982). Ainsi, les Bena Kasuba, Bena Mbiye, Bena Diala, Bakwa Nkala, Bakwa Muiyi, Bakwa Tshikoba et tant d’autres, venant des secteurs de Lunyeka et des Bakwa Nyambi, ont récemment émigré vers le secteur de Tshikapa.

 

Un bref aperçu historique sur la ville de Tshikapa

 

La cité de Tshikapa, érigée en ville en 2003, a été d’abord le chef-lieu du secteur de Tshikapa. Elle est devenue plus tard chef-lieu du territoire, plus précisément en 1906, quand, à la demande de la Forminière , le chef-lieu du territoire qui se trouvait encore à Kalamba (secteur de Lunyeka) y fut transféré. L’agglomération de Tshikapa a été construite sur les terres des Lulua-Bashilange et des Bena Mayi à l’endroit appelé Lusenga dans le village de Kabeya Lumbu, grand chef Lulua-Bashilange, qui dirigeait la chefferie des Bena Kalombo et qui avait pour limites la chefferie des Bashilele au nord, la chefferie de Luebo aussi peuplée par les Lulua Bashilange au nord-est, la chefferie des Bashila Lungu (actuels secteurs des Bakwa Nyambi, de Lunyeka, Kasadisadi et quelques secteurs intégrés dans l’actuel territoire de Kazumba), la chefferie des Bena Mayi au sud.

Quant à l’emplacement dit Lusenga, il se trouvait plus précisément sur la route de Kamonia, là où étaient la ferme de Kabeya wa Ngombe et le Service d’Assistance à la Main-d ’œuvre Indigène, SAMI, non loin de l’actuel aéroport de Tshikapa. A la suite d’un différend entre le Chef Kabeya Lumbu et les dirigeants de la Forminière , ces derniers sollicitèrent et obtinrent des autorités coloniales le transfert du village de Kabeya Lumbu de la rive gauche à la rive droite de la rivière Kasaï pour l’installer à l’endroit où fut érigé plus tard l’abattoir de Tshikapa dans la commune de Mbumba.

Quelques années après, le nouveau village de Kabeya Lumbu sur la rive droite de la rivière Kasaï fut retenu pour la construction du poste d’Etat. Ainsi, le Chef Kabeya Lumbu et ses hommes furent priés de se déplacer de nouveau à 15 kilomètres de Tshikapa sur la route de Kananga, là où ils sont actuellement. Il est intéressant de rappeler que la chefferie des Bena Kalombo du Chef Kabeya Lumbu et celle des Bena Mayi ont fusionné, en 1937, pour former le secteur de Tshikapa. Quelques groupements Baluba du Kasaï, notamment, les Bena Kasa, les Bena Yamba et les Bakwa Ndoba y ont été incorporés. Plus tard, en 1957, les Lunda de Kamba Katshiongo ont été également incorporés dans le secteur de Tshikapa.

Comment les Baluba du Kasai, les Bakwa Luntu et autres Bajila Kasanga se sont-ils retrouvés à Tshikapa ? La première vague des Baluba du Kasaï à Tshikapa et ses environs est constituée des fuyards de la traite négrière de Ngongo Lutete et l’arabisé Tippo Tip venus se mettre sous la protection de leurs frères Lulua. La deuxième vague est formée de la main-d’œuvre recrutée par la société Forminière et renforcée par des gens qui devraient faire l’agriculture pour nourrir ses travailleurs. Globalement, ils sont venus de Dibaya, Dimbelenge, Bakwanga et autres Kazumba. D’où la présence pêle-mêle des Bena Kasa, Bena Yamba, Bena Nsona, Bakwa Dishi, Bakwa Mulumba, Bena Mutombo, Bena Nshimba, Bajila Kasanga, Bakwa Luntu, Bena Mfuamba, Bena Tshionga, Bakwa Ndolo et autres Bakwa Ntembo dans le territoire de Tshikapa.

En vue de renforcer la cohésion nationale et pour une meilleure connaissance de notre pays, il est de notre devoir de retracer l’histoire de nos peuples pour mieux aiguiser la conscience nationale. L’ignorance de notre propre histoire est à la base de nombreux conflits fonciers et de pouvoir coutumier.

Le fait de rappeler que les aborigènes de Tshikapa sont les Lulua-Bashilange, les Bakwa Nyambi, les Bena Mayi, les Batshiok, les Lunda et les Luena n’est pas un acte de xénophobie. Au contraire, il s’agit d’un devoir de mémoire. Ah, likambo ya mabele !

 

Crispin KABASELE TSHIMANGA BABANYA KABUDI

Président National de l’UDS

Notable Lulua-Bashilange de Tshikapa

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *