Le général 4 étoiles, en cavale depuis l’émission d’un mandat d’arrêt contre lui par l’Auditorat militaire a été poussé à sortir de sa tanière par un interlocuteur visiblement qui l’a piégé et enregistré pour parler dans deux audios largement répandus dans les réseaux sociaux.
Dans ces audios, John Numbi discute en Swahili avec un homme qui ne s’est pas présenté.
Mais au regard de certains indices qui découlent de la conversation, il s’agirait d’un militaire aujourd’hui installé en Zambie, plus précisément à Chingola dans la province de Cooperbelt, nommé tantôt ‘‘Commandant PDF’’, tantôt ‘‘Commandant Félix’’, originaire du Katanga d’ethnie Tshokwe, qui dit avoir travaillé sous les ordres de John Numbi dans le passé, et qui a été S3 (NDR : Chargé des opérations) adjoint du bataillon Delta rattaché au Commandant Région. C’est un vaste plan de balkanisation du Congo que dévoilent les deux hommes.
Pour l’avoir côtoyé, alors Commissaire général de la Police Nationale Congolaise, la Rédaction confirme qu’il s’agit bel et bien de sa voix.
Ensuite, les conversations semblent bien authentiques en dehors de tout trucage par leur côté naturel, la réalité des personnes évoquées, parfois la difficulté de la communication caractérisée par l’interruption de la connexion Internet, etc. Le ton injurieux ressemble bien à celui de John Numbi. En plus, la haine des Kasaiens de l’ancien chef milicien de la JUFERI – auteur de l’épuration ethnique contre les ressortissants du Kasaï de 1993 à 1995 n’a pas pris une ride !
Une inquiétude
Au début du premier audio, l’ancien Inspecteur Général des FARDC parle de l’ancien Chef de l’Etat : «Joseph, son problème, c’est le fait d’être aujourd’hui, un ancien Président de la République né d’une mère rwandaise, maman Clémentine. Tous connaissent maman Clémentine, c’est elle sa mère. Maman Sifa n’est pas sa mère», confie John Numbi à son interlocuteur. Avant de poursuivre : «Donc, il a un gêne, tellement qu’il se dit que si tout ceci était dévoilé, il va tout perdre. Ah oui, c’est la vérité. L’autre vérité est que si les Congolais voient qu’on a dévoilé tout ça sur la place publique, on peut l’arrêter pour trahison». Et de s’expliquer : «tu as été Président pendant 18 ans, tu as menti aux Congolais que ta maman biologique c’est maman Sifa, c’est la haute trahison, on va l’arrêter».
Passant à l’analyse de la situation du pays, l’interlocuteur de M. Numbi lui explique avoir parlé avec un général resté à Kinshasa, qui lui a dit que tous les généraux étaient aux arrêts. Ce à quoi le général fugitif rétorque en disant qu’il s’agissait des exagérations, étant donné que lui est en contact permanent avec tous les généraux. «Nous ne devons pas parler d’une situation qui panique la population, nous devons nous préparer à le renverser, c’est tout ce que moi je fais», assure-t-il, en parlant du Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi Thshilombo.
Cependant, selon lui, il y a une petite inquiétude : c’est le Président zambien, Hakainde Hichilema, allié au Président Félix Tshisekedi. «Quand il va se ressaisir, il va se rendre compte que son entourage l’a induit en erreur, car Tshisekedi n’est pas un homme de parole, il n’a jamais réalisé ses promesses», déclare-t-il. Et de renchérir : «Les Katangais vont se fâcher contre le Président zambien. Et le Président zambien doit savoir que le Congo c’est le Katanga. Si les katangais se fâchent contre lui, ce n’est pas bien (…) Il n’y a personne pour lui dire : attention, attention, toi tu as le sang proche de celui de Katangais, tu ne dois pas soutenir cet-homme-là».
Son interlocuteur lui rassure sur le fait qu’il dispose de nombreuses entrées dans l’entourage du Chef de l’Etat zambien, dont son Directeur de cabinet, M. Ndumba, qui serait son cousin de la même communauté Tshokwe. Mais aussi le ministre de l’Intérieur Gary Nkombo, du Secrétaire général M. Menda, ainsi que le ministre de la Justice. Il promet de mener un plaidoyer auprès de toutes ces personnalités afin de leur expliquer que le Katanga veut se libérer du Congo, et que la Zambie perdrait s’il investissait ses moyens dans la coopération avec le gouvernement Tshisekedi.
Enfin, John Numbi dit son assurance dans la réussite de son projet, expliquant qu’il a reçu ‘‘tous les généraux qui sont en Angola, ceux des FNL’’ qui sont venus lui faire allégeance et le reconnaître comme leur Président. Selon lui, Dieu a permis à ce qu’un Kasaien devienne Président, pour que ses actes révoltent tous les Katangais afin de les pousser tous vers l’objectif de l’indépendance, y compris ceux qui résistaient.
L’homme affirme que le Chef de l’Etat congolais lui aurait envoyé des émissaires et lui aurait même proposé le poste de Vice-président (sic !). «Or, moi, le Congo ne m’intéresse plus. Accepter ça reviendrait à trahir tous les Katangais. Les espoirs de tous les Katangais reposent sur moi. Leur dire que John Numbi et Félix Tshisekedi se sont alliés, ce serait quoi cette histoire ?», a-t-il assené, pendant que son interlocuteur éclatait de rire. Et de conclure : «Avec ou sans la Zambie, le Katanga sera indépendant ! Il n’y a rien qui peut l’empêcher, alors rien du tout ! Nous sommes très avancés. Le Katanga sera indépendant, et c’est pour bientôt». Et l’homme se rêve déjà en Président de la République du Katanga.
Après l’audition de ces deux audios, plusieurs questions se posent. La première : pourquoi est-ce que le Zimbabwe peut-il garder sur son territoire un opposant au pouvoir congolais qui y travaille sans relâche, et en toute impunité, pour déstabiliser son pays d’origine, et pourquoi ce pays refuse-t-il de l’extrader ? Si les faits relatés dans ces audios sont vrais, quelle est la loyauté de certains voisins du Congo, si des ‘‘généraux qui sont en Angola’’, sans doute des anciens gendarmes katangais qui ont servi dans l’armée angolaise lors de la guerre d’indépendance et contre les rébellions de FNLA et de l’UNITA, peuvent-ils quitter l’Angola pour se rendre au Zimbabwe faire allégeance à John Numbi, et regagner l’Angola tranquillement ?
Dans tous les cas, le gouvernement congolais doit redoubler de vigilance contre la seule et sérieuse menace de balkanisation du pays. C’est le moment, avec ces nouveaux éléments, de relancer la demande d’extradition de ce général fugitif ou, à tous les moins, d’obtenir son expulsion vers un pays lointain, très éloigné de la région, afin de faire cesser ses plans de déstabilisation du Congo. C’est le moment également de se rassurer que les relations sont au beau fixe avec notre puissant voisin du sud, et de veiller à ce qu’il ne joue pas double jeu en appuyant les ennemis du Congo.
Finance-CD/IMPACT NEWS
