RDC au Conseil de sécurité : entre vision ambitieuse et contradictions internes
Ce mardi 3 juin, la République Démocratique du Congo a décroché un siège de membre non permanent au Conseil de sécurité de l’ONU pour la période 2026–2027. Ce n’est pas une première pour ce géant au cœur de l’Afrique — mais un retour stratégique, dans un contexte international tendu et dans un moment délicat pour son propre avenir. Mais au-delà, quels sont les véritables atouts dont elle dispose ? Et quelles faiblesses risquent d’en fragiliser la portée ?
Les atouts : un pays pivot, un laboratoire de la paix
La RDC a, en effet, de solides arguments à faire valoir. D’abord, sa position géographique et géopolitique : au cœur du continent, à cheval sur les grands blocs régionaux, elle est un miroir des tensions comme des espoirs africains. Son expérience, souvent douloureuse, en matière de paix, de transition post-conflit, de présence onusienne (avec la MONUC puis la MONUSCO), fait d’elle un cas d’étude à part entière. Elle est l’un des rares États à avoir vécu la guerre, l’avoir surmontée partiellement, puis replongé à nouveau dans l’instabilité. Ce parcours peut nourrir une réflexion lucide sur les limites actuelles du système de sécurité international.
Sur l’environnement, la RDC peut également prétendre au titre de « pays-solution ». Le bassin du Congo, poumon de la planète, lui confère une responsabilité écologique majeure — et une légitimité certaine pour plaider en faveur d’une sécurité climatique globale, reliant la paix à la sauvegarde des écosystèmes.
Enfin, la volonté de porter la voix africaine — notamment la revendication de sièges permanents avec droit de veto pour le continent — est cohérente avec l’agenda de l’Union africaine et les aspirations à une gouvernance mondiale plus équitable.
Les faiblesses : l’image d’un État encore en crise
Mais cette ambition heurte la dure réalité congolaise. Et c’est là que le bât blesse. Comment la RDC peut-elle plaider pour la paix au niveau mondial alors que l’Est de son propre territoire est toujours à feu et à sang, livré à une centaine de groupes armés et sous menace constante d’agression, notamment du Rwanda ? Quelle légitimité morale peut-elle revendiquer sur la bonne gouvernance quand des scandales de corruption, d’achat de votes, de détournements et d’impunité éclaboussent toutes les sphères de l’État, du sommet aux provinces ?
Les récentes déclarations publiques d’acteurs politiques congolais — entre cynisme assumé (« on se partage d’abord l’argent, on réfléchit après ») et confession de pratiques clientélistes (« frais lunettes » pour lire un programme de gouvernement) — jettent un doute sur la capacité de l’État congolais à incarner un modèle.
La gouvernance des ressources naturelles, que le président Tshisekedi promet « responsable et transparente », reste minée par l’opacité, les trafics, et des contrats léonins hérités ou renouvelés. L’appel à une « traçabilité des chaînes d’approvisionnement » sonne juste, mais semble encore trop théorique au regard des pratiques en vigueur sur le terrain.
Quant à la participation des femmes et des jeunes, elle progresse, certes, dans les discours et les symboles. Mais leur inclusion réelle, substantielle, dans les processus de paix et de décision reste très inégale et parfois cosmétique.
Une opportunité à saisir avec lucidité
En définitive, ce nouveau siège pour la RDC au Conseil de sécurité de l’ONU est légitime. Le monde a besoin d’une voix africaine forte, expérimentée, capable de traduire les aspirations des pays du Sud dans les arènes où se façonnent les équilibres globaux. La RDC, avec sa géographie, son histoire, son poids démographique et environnemental, est cette voix.
Mais pour que cette voix porte, elle doit d’abord s’accorder avec elle-même. La RDC ne peut plaider pour la paix qu’en s’engageant plus résolument à désarmer les groupes qui sévissent à l’Est. Elle ne peut promouvoir la transparence mondiale que si elle s’attaque sérieusement à la corruption domestique. Elle ne peut parler au nom de l’Afrique que si elle renoue avec une diplomatie cohérente, solidaire et digne.
Ce mandat doit être plus qu’un siège : il doit être une introspection, une exigence de cohérence. Et peut-être, qui sait, un élément déclencheur de cette transformation interne. Il reste à voir si le pouvoir congolais saura être à la hauteur de ce nouveau rôle : celui de bâtisseur crédible d’une paix qui commence d’abord chez soi.
Costa Pinto
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