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Insécurité dans l’Est de la RDC :Le diagnostic et la thérapie proposés par le professeur Tony Mwaba Kazadi

Insécurité dans l’Est de la RDC :Le diagnostic et la thérapie proposés par le professeur Tony Mwaba Kazadi


Ancien Ministre de l’Enseignement Primaire, Secondaire et Technique qui a réussi à consolider et pérenniser la gratuité de l’enseignement primaire dans les Etablissements publics durant son mandat, le professeur Tony Mwaba Kazadi a fait son comeback en politique il y a un mois après son séjour médical en Europe. Depuis son retour, cet acharné de la Science s’est voué aux activités scientifiques et académiques. Il a récemment publié l’ouvrage sur le Droit des Suretés et le Droit des obligations. 


Préoccupé par la situation d’insécurité qui sévit dans l’Est de la RDC, Tony Mwaba Kazadi, surnommé, ‘’Gardien de la gratuité de l’enseignement’’ ou ‘’Mumemi maki ya Fatshi (Porteur des œufs de Fatshi) ne ferme pas l’œil. En politique et en scientifique, il s’est invité au débat à travers une tribune où il apporte sa contribution dans les lignes qui suivent pour trouver causes et solutions à l’insécurité qui sévit dans l’Est. Il sied de rappeler que depuis son départ de la tete du Ministère de l’EPST qui a été presque supprimé, le programme phare du premier quinquennat du Chef de l’Etat, Félix-Antoine Tshisekedi, la gratuité de l’enseignement primaire dans les établissements publics bat de l’aile. L’Eglise catholique a trouvé des voies et moyens pour contourner ce programme en faisant payer les élèves dans leurs écoles. Et pourtant avec Tony Mwaba, la gratuité a été consolidée et elle devrait être pérennisée par l’actuel Ministre. Dommage.  Ci-dessus sa contribution.



Ma contribution à l’analyse approfondie de l’insécurité en RDC : Problèmes, Acteurs, Défis et Solutions

La situation d’insécurité en République Démocratique du Congo (RDC) est le résultat d’une combinaison de facteurs politiques, économiques, historiques et géopolitiques. Elle est marquée par la présence de nombreux groupes armés, une instabilité institutionnelle et des ingérences étrangères. Voici ma contribution à une analyse détaillée de la crise avant de proposer des solutions durables.

Identification des problèmes majeurs
Prolifération des groupes armés et violences


Plus de 100 groupes armés actifs, notamment dans l’Est (Nord-Kivu, Sud-Kivu, Ituri) ;
Multiplication des conflits communautaires et ethniques ;
Exploitation illégale des ressources naturelles pour financer les groupes armés ;
Attaques contre la population, pillages, massacres, enlèvements et violences sexuelles.
Faiblesse de l’État et de ses institutions


Depuis près de 30 ans, la RDC dispose d’une armée (FARDC) mal formée, infiltrée et corrompue ;
Une police inefficace et sous-équipée ;
Une justice malade, suivant les termes du Président de la république ;
Une gouvernance minée par des antivaleurs depuis plusieurs décennies et ce, dans presque tous les secteurs de la vie nationale, en particulier le secteur de la sécurité.
Ingérence étrangère et guerre par procuration


Présence de forces et intérêts étrangers (Rwanda, Ouganda, Burundi, etc.) impliqués dans l’exploitation des minerais et le soutien aux groupes armés ;
Manque de contrôle des frontières facilitant l’infiltration d’armes et de combattants étrangers ;
Tensions géopolitiques et conflits régionaux influençant l’insécurité en RDC.
Problèmes économiques et sociaux aggravant l’insécurité
Chômage élevé poussant les jeunes vers les groupes armés ;
Manque d’accès aux services de base (éducation, santé, eau potable, routes)
Exploitation illicite des minerais et absence de retombées économiques pour la population locale ;
Pauvreté généralisée exacerbant la criminalité urbaine et rurale.
Dysfonctionnement des mécanismes de paix et d’intervention internationale
La MONUSCO (Mission de l’ONU en RDC) perçue comme inefficace et passive face aux massacres ;
Faible coordination entre les efforts régionaux et internationaux pour stabiliser la RDC.
Affaiblissement de la volonté politique pour appliquer les accords de paix et les réformes militaires.


Identification des acteurs impliqués
Acteurs responsables ou impliqués dans l’insécurité :
Groupes armés locaux : CODECO, ADF, FDLR, Mai-Mai, M23, etc. ;
Groupes armés étrangers : FDLR (rwandais), ADF (ougandais), RED-Tabara (burundais), etc ;
Forces armées de pays voisins : Rwanda, Ouganda  accusés d’interventions militaires en RDC ;
Multinationales et exploitants illégaux : Entreprises et réseaux mafieux exploitant illicitement les ressources minières.
Acteurs politiques corrompus : Élites locales et nationales profitant du chaos pour maintenir leur pouvoir.
Acteurs pouvant jouer un rôle positif :
Gouvernement congolais : Doit poursuivre des réformes profondes et assumer ses responsabilités ;
Forces de défense et de sécurité : Poursuivre des réformes pour en faire une force professionnelle et disciplinée ;
Union Africaine et organisations régionales (SADC, CIRGL, CEAC) : Peuvent aider à la stabilisation régionale ;
Société civile et ONG : Mobilisation pour la paix, la justice et la protection des populations ;
Jeunesse et diaspora congolaise : Doivent être impliquées dans la reconstruction du pays.


Défis majeurs à relever
Réforme et professionnalisation de l’armée et de la police malgré les résistances internes et la corruption ;
Neutralisation des groupes armés sans exacerber les tensions communautaires ;
Lutte contre l’ingérence étrangère et le pillage des ressources naturelles tout en assurant une coopération régionale.
Restauration de l’autorité de l’État dans les zones abandonnées à l’anarchie ;
Développement économique et social pour réduire la pauvreté, principal moteur du recrutement des jeunes par les milices ;
Établissement d’une justice crédible et indépendante pour sanctionner les crimes de guerre et lutter contre l’impunité ;
Rétablissement de la confiance entre la population et les institutions après des décennies de trahison et de mauvaise gouvernance.


Propositions de solutions durables :
Réforme et renforcement des forces de sécurité :
Assainir les FARDC (lutte contre l’infiltration et la corruption) ;
Augmenter les salaires des militaires et policiers pour éviter les désertions et la corruption ;
Instaurer une formation rigoureuse et spécialisée des forces de sécurité ;
Mettre en place une coopération militaire avec des partenaires sérieux (ex : SADC, Union Africaine).
Désarmement et réinsertion des groupes armés :
Programme national de Désarmement, Démobilisation et Réintégration (DDR) efficace ;
Proposer des alternatives économiques aux anciens combattants ;
Mener des offensives militaires ciblées contre les groupes refusant de déposer les armes.
Diplomatie et Coopération régionale
Poursuivre le dialogue direct avec les pays voisins pour résoudre les conflits transfrontaliers ;
Mettre en place un mécanisme de surveillance des frontières et du commerce des minerais ;
Poursuivre les États et entreprises complices du pillage des ressources congolaises.


Développement économique et réduction de la pauvreté


Construire des infrastructures (routes, hôpitaux, écoles, électricité) dans les zones en crise ;
Développer des projets agricoles et industriels pour créer des emplois ;
Taxer les entreprises minières étrangères et redistribuer les revenus aux populations locales.
Réformes politiques et gouvernance démocratique :
Poursuivre avec le cycle des élections libres et transparentes pour éviter les crises politiques ;
Décentralisation  effective du pouvoir pour donner plus d’autonomie aux provinces ;
Impliquer les citoyens et la société civile dans la prise de décision.
Justice et lutte contre l’impunité
Créer des tribunaux spécialisés pour juger les criminels de guerre ;
Sanctionner les politiciens et officiers corrompus complices des crimes ;
Assurer la protection des témoins et des victimes de violences.
Perspectives et recommandations particulières pour le processus de Luanda, Nairobi et Doha :
1. Réformer et renforcer ces processus
Mieux coordonner les efforts entre Luanda, Nairobi et Doha pour éviter la duplication des initiatives ;
Renforcer la pression diplomatique sur le Rwanda et l’Ouganda pour qu’ils cessent tout soutien aux groupes armés conformément à la résolution 2773 du conseil de sécurité des Nations – unies adopté le 19 décembre 2023 ;
Intégrer un mécanisme de suivi et de sanction contre les violations des accords ;
Assurer un financement stable pour le programme DDRC et garantir que les ex-combattants aient des opportunités économiques après leur désarmement.
2.Améliorer la gouvernance et la sécurité en RDC
Renforcer l’armée congolaise pour qu’elle puisse garantir la sécurité sans dépendre des forces étrangères ;
Lutter contre la corruption et le détournement des fonds militaires qui affaiblissent les FARDC ;
Accélérer le développement économique de l’Est du pays pour limiter le recrutement dans les groupes armés.
3. Impliquer davantage la population et la société civile
Assurer éventuellement la communication sur la suite des négociations pour éviter la confusion et la manipulation des communautés affectées, par les ennemis de la république ;
Soutenir les initiatives locales de réconciliation et de justice pour favoriser la cohésion sociale ;
Favoriser le dialogue avec toutes les communautés concernées, y compris les groupes armés prêts à abandonner la violence.

La crise sécuritaire en RDC est un problème multidimensionnel nécessitant une approche globale et durable. La clé réside dans un État fort, une armée professionnelle, une justice indépendante, une économie dynamique et une diplomatie proactive. La RDC a un potentiel immense, mais sa stabilité continuera à dépendre de la volonté politique, de la mobilisation nationale et de la coopération internationale.
Les Processus de Luanda, de Nairobi et de Doha représentent des efforts importants devant se poursuivre pour stabiliser la RDC. Tant que les causes profondes du conflit – notamment le pillage des ressources naturelles, l’ingérence étrangère et la faiblesse de l’État – ne seront pas pleinement redressées, ces initiatives risquent de rester moins efficaces. Il est donc crucial de continuer à  renforcer la diplomatie régionale et internationale, d’améliorer davantage la gouvernance interne et de garantir une réelle implication des populations locales dans la recherche de la paix.

Professeur Tony Mwaba Kazadi.

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