Lettre de Mende à Kabila : confession ou manœuvre ?

Lambert Mende Omalanga est un homme rompu aux labyrinthes du pouvoir. Tour à tour opposant, griot du régime, puis opposant à nouveau — selon les circonstances — il n’a cessé de muter, comme un caméléon politique, au gré des saisons et des alliances. Aujourd’hui, c’est une lettre ouverte à Joseph Kabila qui relance la machine des spéculations : repentance ou opération de diversion ?

Dans ce courrier qui a fait grand bruit, l’ancien porte-parole du gouvernement de Kabila se livre à un exercice rare : il s’adresse à son ancien mentor sur un ton inhabituel, mêlant reproches feutrés, aveux voilés, et une certaine mise à distance politique. Il semble regretter le naufrage moral de Kabila tout en prenant soin de ne pas rompre totalement le cordon ombilical. Mais à y regarder de plus près, le texte de Mende ressemble moins à une rupture qu’à une mise en scène. Et le public congolais, habitué à ses volte-face, ne s’y trompe pas.

Une repentance cousue de fil blanc

L’élément le plus frappant dans cette lettre est son timing. Alors que Joseph Kabila est de plus en plus cerné politiquement, Mende choisit ce moment pour se positionner du « bon côté de l’histoire ». Il critique à demi-mot les méthodes opaques de l’ancien régime, mais s’exonère habilement de toute responsabilité, comme s’il n’avait été qu’un simple spectateur.

Or, nul n’a incarné avec autant de zèle que Mende la défense du système Kabila. Il fut l’architecte du langage officiel, le rempart médiatique contre les critiques internationales, le gardien de la parole d’État. Il n’est pas crédible aujourd’hui de se présenter en dissident ou en victime d’un clan qu’il a lui-même consolidé pendant deux décennies. Il ne peut pas effacer son rôle dans l’enracinement d’un pouvoir autoritaire, où la presse était muselée, les opposants traqués, et les institutions instrumentalisées.

Mende, infiltré dans la maison Tshisekedi ?

La question qui se pose alors est celle-ci : Lambert Mende s’est-il réellement converti aux idéaux d’un État de droit ou est-il le cheval de Troie de Kabila dans le cercle présidentiel actuel ? Depuis 2019, on l’a vu se rapprocher progressivement du pouvoir de Félix Tshisekedi, jouant la carte du réalignement républicain. Mais ce rapprochement n’a jamais été total ni pleinement assumé. Il est resté à mi-chemin, dans cette zone grise où les anciens se recyclent sans jamais vraiment se renier.

Et c’est là le danger. Car dans une République fragile comme la nôtre, les allégeances hybrides minent la crédibilité des réformes. Comment faire confiance à un homme qui, à chaque tournant décisif, adapte son discours pour rester dans la lumière ? Comment croire à une rupture sincère quand elle est prononcée sous la menace judiciaire qui pèse sur son ancien maître ?

Un avertissement au pouvoir actuel

La lettre de Mende doit être lue comme un test. Un test pour la Présidence, qui doit désormais choisir : continuer à s’entourer d’anciens caciques kabilistes sous prétexte d’expérience politique, ou opter pour une rupture réelle avec le passé. Les mots de Mende ne suffisent pas. Il faut des actes. Des clarifications. Et surtout, une cohérence entre les discours et les postures.

Si le pouvoir de Tshisekedi veut se démarquer véritablement du régime précédent, il ne peut pas servir de refuge politique aux architectes du système Kabila. Il ne peut pas se contenter de leur silence ou de leurs confessions tardives. Il doit les interroger. Les confronter. Et, si nécessaire, les juger.

Méfions-nous des conversions intéressées

Mende n’est ni le premier ni le dernier à jouer sur plusieurs tableaux. En politique congolaise, la survie a souvent plus de valeur que la cohérence. Mais le peuple congolais mérite mieux. Il mérite des dirigeants qui assument leur passé, qui ne cherchent pas à se blanchir à la faveur des crises, et qui ne se cachent pas derrière des lettres pleines de mots mais vides d’engagements.

Costa Pinto