Taxis fluviaux à Kinshasa : Une révolution en marche ou un mirage naviguant ?
Dans une ville où les embouteillages ont depuis longtemps cessé d’être une simple nuisance pour devenir un véritable fléau quotidien, l’annonce de la mise en service imminente des taxis fluviaux a des allures de promesse salvatrice. Le gouverneur Daniel Bumba, soucieux d’imprimer sa marque sur la mobilité urbaine, a lui-même testé ce mode de transport, laissant entrevoir une alternative séduisante au chaos routier. Mais comme toute grande ambition en République Démocratique du Congo, ce projet se heurte à une question cruciale : sera-t-il une solution durable ou une énième utopie confrontée aux pesanteurs de la réalité congolaise ?
Un potentiel indéniable, mais un défi logistique colossal
Le fleuve Congo, artère naturelle aux dimensions titanesques, demeure un géant sous-exploité. À l’instar des grandes métropoles fluviales telles que Bangkok ou Lagos, Kinshasa aurait dû, depuis longtemps, ériger la navigation comme un pilier de son système de transport public. Mais entre infrastructures défaillantes, normes de sécurité approximatives et gestion erratique, l’histoire du transport fluvial congolais est jalonnée de projets avortés ou laissés à l’abandon.
L’annonce de 22 bateaux capables de transporter 50 000 passagers par jour interpelle par son ambition. Si l’initiative séduit sur le papier, sa viabilité dépendra d’une logistique rigoureusement pensée. Les infrastructures d’accueil sont-elles adaptées ? Le fleuve est-il équipé de quais modernes, sécurisés et accessibles aux passagers en transit ? La gestion sera-t-elle efficiente ? Kinshasa a déjà connu des tentatives de modernisation du transport public – des bus Transco aux trains urbains – dont le dynamisme initial a rapidement été étouffé par un déficit d’entretien, une gouvernance douteuse et un manque de vision à long terme. Quelle rentabilité pour ce service ? À quel prix seront fixés les trajets ? Les taxis fluviaux seront-ils accessibles aux classes populaires ou réservés à une élite urbaine en quête de confort ?
Une équation sécuritaire non résolue
Le spectre de la tragédie de Mbandaka en 2024, où un bateau surchargé a sombré dans les eaux congolaises, hante encore les esprits. L’enthousiasme affiché par les autorités ne saurait occulter une exigence fondamentale : la sécurité des passagers doit primer sur toute autre considération.
L’entretien des embarcations sera-t-il rigoureusement assuré ? L’exemple des bus Transco, devenus épaves faute de maintenance, illustre le risque d’un essoufflement prématuré du projet en l’absence d’une gestion préventive efficace. La formation des équipages sera-t-elle à la hauteur des enjeux ? Un simple effet d’annonce ne suffira pas à garantir la fiabilité du service si les conducteurs et le personnel navigant ne sont pas formés aux normes internationales de navigation et de secours.
Un pari audacieux entre espoir et scepticisme
Si le projet est mis en œuvre avec rigueur, il pourrait révolutionner la mobilité à Kinshasa et désengorger les routes saturées. Mais la prudence s’impose. Dans une capitale où les promesses politiques se multiplient aussi vite qu’elles s’évaporent, une question demeure : les taxis fluviaux vogueront-ils réellement vers l’efficacité ou sombreront-ils dans les eaux troubles de la mauvaise gestion et des illusions perdues ?
Costa Pinto
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