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Tshisekedi face à l’intransigeance de l’opposition

Tshisekedi face à l’intransigeance de l’opposition

L’initiative du président Félix Tshisekedi de former un gouvernement d’union nationale s’apparente à une gageure politique dont l’issue demeure incertaine. Présentée comme une main tendue à l’ensemble du spectre politique, cette démarche se heurte à une opposition unie dans son rejet, une rareté dans l’arène congolaise où les dissensions sont habituellement légion. Moïse Katumbi, Martin Fayulu, Matata Ponyo et Delly Sessanga, figures de proue de cette contestation, dénoncent une supercherie destinée non pas à résoudre les crises profondes du pays, mais à recomposer un paysage institutionnel en faveur du pouvoir en place.

Le Front Commun pour le Congo (FCC) de Joseph Kabila, fort de son expérience du pouvoir, n’est pas dupe non plus. Il y voit une tentative de légitimation d’un régime en quête de souffle, plus soucieux de sa survie politique que d’une véritable réconciliation nationale. Ainsi, loin d’apaiser les tensions, cette initiative semble cristalliser une méfiance généralisée, renforçant l’idée d’un président cherchant avant tout à étendre son influence par le biais d’un consensus de façade.

Une ouverture politique ou une stratégie d’absorption ?

Dans cette quête d’union nationale, Tshisekedi engage un pari aux répercussions incertaines. Se posant en artisan du dialogue, il tente d’incarner une posture d’ouverture qui contraste avec les crispations de son premier mandat. Cependant, l’histoire politique congolaise regorge d’exemples où de telles initiatives ont servi de levier pour fracturer l’opposition plutôt que de bâtir un véritable consensus.

Le schéma est bien connu : en cooptant certaines figures modérées, le pouvoir fragilise la dynamique contestataire, instille la division et neutralise les voix dissidentes les plus menaçantes. Si certaines personnalités venaient à répondre favorablement à son appel, l’opposition risquerait de perdre en cohésion et en impact. À l’inverse, si elle persiste dans son refus unanime, le président pourrait se retrouver dans une impasse, confronté à une crise de légitimité exacerbée.

Au-delà du simple jeu des alliances et des tractations politiques, une question cruciale demeure : ce gouvernement d’union nationale constitue-t-il réellement une réponse aux défis majeurs qui assaillent la RDC, ou n’est-il qu’un artifice destiné à redessiner les équilibres du pouvoir ?

Le gouffre sécuritaire de l’Est : un défi hors de portée du gouvernement

Si le discours officiel associe ce projet à une nécessité impérieuse de stabilisation nationale, notamment face aux violences qui ravagent l’Est du pays, la réalité du terrain en souligne les limites. La guerre dans l’Est ne se résoudra ni par des nominations ministérielles ni par un remaniement des alliances politiques. Elle est avant tout le produit d’un enchevêtrement de dynamiques régionales où le M23, soutenu par le Rwanda, impose sa propre temporalité et ses propres exigences.

Face à ce péril, la clé ne réside pas dans la composition du gouvernement, mais dans une stratégie globale conjuguant renforcement de l’appareil militaire, pression diplomatique ciblée et réformes structurelles. Or, sur ce terrain, les résultats se font attendre, et l’unité nationale ne saurait pallier l’insuffisance des moyens déployés.

Tshisekedi à la croisée des chemins

Le président se retrouve ainsi face à une alternative périlleuse : persister dans son projet au risque d’engendrer un gouvernement dénué de toute légitimité, ou infléchir sa position en acceptant un dialogue sous l’égide des autorités religieuses, comme l’exige une frange significative de l’opposition. Pour l’heure, il semble opter pour la première voie, misant sur l’usure de ses détracteurs et les dissensions internes qui ne manqueront pas d’apparaître sous peu.

Mais le temps joue-t-il réellement en sa faveur ? Si la contestation venait à s’intensifier, son gouvernement d’union nationale pourrait bien n’être qu’une chimère, un habillage cosmétique dissimulant maladroitement les lignes de fracture qui traversent le pays. Et face aux réalités sécuritaires de l’Est, les velléités de dialogue risquent fort de se heurter à une impitoyable évidence : ce n’est pas dans les salons feutrés de Kinshasa que se règlera la question de la souveraineté nationale, mais sur le terrain, là où se joue le destin d’une nation ébranlée par les convulsions de son histoire.

Costa Pinto

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